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La mère enveloppa Adwen dans la peau de mouton en sanglotant. L’enfant pleura doucement. Azilis s’avança de quelques pas mais trébucha, épuisée. Enid la rattrapa et l’aida à s’asseoir.
— Je dois me reposer, murmura-t-elle. Enid, fais-lui boire la tisane d’armoise. Ainsi qu’une décoction de houx.
Elle ferma les yeux. La pièce tanguait.
— Il faut que je mange, ajouta-t-elle. Je me sens faible.
— Allongez-vous ! Vous tremblez !
— La décoction : trois poignées de feuilles séchées que tu auras fait bouillir doucement. Tu sucreras la tisane de miel pour qu’elle l’avale plus facilement.
— Je sais, dame Niniane, j’ai l’habitude.
— Maintenant, le cataplasme : un bol de farine de lin dans quatre bols d’eau. Tu cuis pour épaissir, tu étales entre deux bandes de tissu fin, tu saupoudres de farine de moutarde. Elle pleurera mais c’est le meilleur remède. Il faudra le changer toutes les trois heures.
— Reposez-vous, comptez sur moi.
Azilis remercia une fois de plus la providence qui avait mis Enid sur sa route. Non seulement la jeune fille avait une excellente mémoire et la secondait parfaitement, mais elle prenait des initiatives et ne perdait jamais son sang-froid. Et puis Azilis appréciait son esprit vif, sa gentillesse et ses éclats de rire. Elle ne la considérait pas comme une servante, plutôt comme une aide précieuse, peut-être même une confidente.
Arane se jeta à ses genoux, sa fille toujours serrée dans ses bras.
— Je t’en prie, relève-toi, dit Azilis. Tu dormiras ici avec Adwen. Il lui faut plusieurs jours de soins.
— Mais… Je ne peux pas rester ! Mon mari a besoin de moi au village. Mes autres filles aussi.
— Alors pars et viens la reprendre dans sept jours. Si tu l’emmènes, elle ne survivra pas.
— M’est avis que c’est folie de repartir d’ici à la nuit tombée, grommela Gwyar qui assistait à la scène les bras croisés. Avec ce loup qui rôde !
— Math la raccompagnera à cheval.
— Pauvre Math ! soupira la cuisinière en quittant la pièce.
— Je reviendrai dans sept jours, dame Niniane. Mais prenez ma couverture, je vous en prie. Ce sera pour moi un honneur de la savoir chez vous.
— Dans ce cas je la garde, Arane, et te remercie. Pour cette nuit je confie Adwen à Enid.
Arane donna son enfant à la servante. Azilis observa un moment le petit visage apaisé. Soudain des mots jaillirent de sa bouche avant que sa pensée fût intervenue :
— Dis à ton époux qu’il n’a plus de souci à se faire pour sa fille. Il n’aura pas à l’entretenir longtemps car, si tu l’acceptes, je la prendrai à mon service. Quand elle aura sept ans.
Enid ouvrit des yeux ronds. Azilis la désigna de la main.
— Comme à cette jeune fille, je lui enseignerai l’art de guérir et le secret des plantes. Si elle parvient à soulager la souffrance, elle n’aura plus à dépendre d’un homme.
Arane, muette de stupeur, se jeta à nouveau aux pieds de la jeune femme.
Titubant vers sa chambre, Azilis se demandait ce qui l’avait poussée à faire une telle offre.